Le candide Théophile a interrogé le père Guillaume pour savoir ce que voulait dire le nom de la Paroisse.

– Théophile : Père Guillaume, pourquoi parler ici de la spiritualité du Cœur du Christ ?

Guillaume Marot : Dans les années 90, l’évêque de Beauvais a modifié le découpage des paroisses dans l’Oise. Il a donc fallu trouver un patronage à la nouvelle paroisse de Clermont et des communes environnantes. Après avoir consulté des prêtres et des paroissiens, c’est le patronage du Cœur du Christ qui a été choisi. La paroisse d’appelle donc « paroisse du Cœur du Christ ». plutôt que d’être sous le patronage d’un saint, la paroisse est donc sous ce beau patronage. C’est une belle spiritualité qu’il nous faut redécouvrir.

– T. : D’où vient cette spiritualité ?

Souvent, on considère que la spiritualité du Cœur du Christ est née à Paray-le-Monial avec les apparitions du Christ à sainte Marguerite-Marie Alacoque à la fin du 17ème siècle. En fait, la spiritualité du Cœur du Christ est née au pied de la Croix. L’évangéliste saint Jean raconte comment, alors que Jésus vient de mourir, un soldat perce le côté du crucifié avec sa lance :

« Quand ils arrivèrent à Jésus, voyant qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l ’eau. Celui qui a vu rend témoignage, et son témoignage est véridique ; et celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi, vous croyiez. Cela, en effet, arriva pour que s’accomplisse l’Écriture : Aucun de ses os ne sera brisé. Un autre passage de l’Écriture dit encore : Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé. » (Jn 19, 33-37)

-T. : Tout cela n’est pas un peu morbide ?

Le récit de saint Jean n’a rien à voir avec la violence présentée dans la Passion de Mel Gibson. Dans Saint-Jean, Jésus est toujours le maître des évènements malgré la violence apparente. Ainsi cette  spiritualité n’est pas morbide, elle cherche à contempler dans le Christ en croix le sauveur de tous les hommes et le maître de la vie.

-T.: De la vie ? mais Jésus est mort sur la croix.

En se livrant totalement et librement sur la Croix Jésus manifeste son amour infini pour tous les hommes. Comme le dit une expression « il nous aime de tout son cœur ». C’est ce cœur aimant que nous adorons. Et quand je parle ici du cœur, je parle du cœur envisagé non pas seulement comme un organe vital mais surtout comme le siège des émotions, des sentiments, de l’âme. En parlant ici du Cœur du Christ, on envisage déjà Jésus ressuscité qui sauve tous les hommes du pouvoir de la mort et du péché. La spiritualité du Cœur du Christ est au cœur, si j’ose dire, de la foi chrétienne en la résurrection.

-T. : Mais alors, pourquoi présenter des images de l’organe cardiaque de Jésus à la dévotion des fidèles ?

D’une certaine manière, présenter l’image de l’organe de la vie revient à dire que le Christ est la source de la vie. Mais au départ, cette image correspond à la vision de sainte Marguerite-Marie. Il faut ajouter que la sainte voyante de Paray le Monial nourrissait sa vie de prière dans la messe. Il ne faut donc pas séparer cette vision du cœur de l’hostie consacrée ; en définitive, voir le Cœur du Christ ou voir l’hostie consacrée, c’est voir Jésus-Christ ressuscité.  C’est pour cela, qu’il faut revenir à ce passage de l’évangile de saint Jean. Les premiers chrétiens ont vu dans l’eau et le sang qui sortent du coté de Jésus l’image de la naissance de l’église et des sacrements. L’eau est envisagée comme l’eau du baptême qui fait de nous des chrétiens et le sang est une image de l’eucharistie (de la messe). Cette image du cœur, sans être parfaite, dit donc que Jésus, notre Dieu, était parfaitement humain (avec un vrai corps et donc un vrai cœur), qu’il est mort et qu’il est ressuscité.

-T. : Y-a-t-il d’autres représentations du Cœur du Christ ?

Parmi les représentations largement diffusées, il y a celle qui nous vient de Pologne suite à la vision de sainte Faustine. Elle présente le Christ en gloire et de son cœur jaillit deux rayons lumineux, l’un blanc et l’autre rouge, qui rappellent l’eau et le sang chez saint Jean. C’est la vision de Jésus Miséricordieux, de l’amour extraordinaire de Dieu pour tous les hommes. Dans un acte de foi total, cette représentation est sous-titrée : « Jésus, j’ai confiance en toi ».

-T. : Pour moi, le Cœur du Christ, c’est un symbole royaliste.

Tu te rappelles des guerres de Vendée pendant la Révolution française ! En effet, il arrive de voir des représentations du Cœur du Christ sur des drapeaux français, qu’ils soient monarchistes de l’Ancien régime ou bleu-blanc-rouge. Cela nous vient une nouvelle fois de sainte Marguerite-Marie. En 1689, une apparition du Christ demande que le roi Louis XIV consacre la France au Sacré-Cœur et appose sa représentation sur les drapeaux du royaume. Bien que ni la consécration ni l’apposition de la représentation ne fussent réalisées, un siècle plus tard les Vendéens usèrent de la représentation du Sacré-Cœur sur leurs étendards et de même, dans les tranchés de la première guerre mondiale, les poilus portaient portait la représentation du Sacré-Cœur apposée sur le drapeaux français dans leur portefeuille ou la porte intérieur de leur uniforme.

S’il y a un roi dans la représentation du Sacré-Cœur, c’est Jésus-Christ lui-même qui désire régner dans nos cœurs pour nous rapprocher du Père très aimant et nous faire aimer nos frères en humanité.

-T. : Vous voulez dire que la spiritualité du Cœur du Christ à une dimension sociale ?

Oui, en contemplant le côté transpercé du Christ, nous pouvons dire comme saint Paul « la charité du Christ nous saisit » (2Co 5, 14). Cet amour reçu et vécu, nous ne pouvons pas le garder pour nous. Alors nous voulons l’annoncer par la parole (c’est l’évangélisation), et les actions (c’est les actions de solidarité). Ainsi, nous voulons, comme nous y invitait saint Jean-Paul, construire une « civilisation de l’Amour. »

– T. : Merci Père Guillaume. As-tu des lectures à me conseiller à ce sujet ?

Il existe plein de livres sur le Sacré-Cœur ou sur le Cœur du Christ. Avant de répondre à tes questions, j’ai lu « Spiritualité du Cœur du Christ » d’Yves Ledure[1]. Ce livre se lit très facilement et dit pourquoi cette spiritualité est faite pour aujourd’hui.

Bien sûr, on peut lire aussi les écrits spirituels de saint Jean Eudes, un prêtre français qui vécu un peu avant les apparitions de Paray le Monial, ainsi que les écrits de sainte Marguerite-Marie Alacoque ou bien encore ceux de sainte Faustine.

Mais tu peux aussi aller à Paray-le-Monial, en Bourgogne (c’est le lieu des apparitions à sainte Marguerite-Marie), ou bien à Paris sur la butte Montmartre où on a construit une basilique dédiée au Sacré-Cœur. Si tu veux voyager plus loin, tu peux aussi aller au monastère de sainte Faustine à Cracovie en Pologne.

[1] Yves Ledure, Spiritualité du Cœur du Christ, ils regarderont celui qu’ils ont transpercé, Nouvelle cité, 2015, 188 p.